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Le Courrier d’Aix – 1958-09-27 – La Vie Internationale.
Considérations Actuelles
Les événements sous les feux de la rampe suivent leur cours, tant en Extrême qu’en Moyen-Orient et à Chypre, c’est-à-dire qu’on n’enregistre rien d’imprévu ; un jour plus optimiste, le lendemain plus sombre ; l’opinion ne s’en détourne pas pour cela des petits problèmes quotidiens. La grande presse internationale lui en fait reproche : apathie du public ; ce n’est pas tout à fait juste. En politique extérieure, il ne croit pas à la guerre parce qu’il sent qu’aucun protagoniste n’y est pour le moment décidé. En politique intérieure, parce qu’il a dans sa majorité cessé de penser qu’un parti a tort et l’autre raison et qu’ils apportent aux grands problèmes une solution toute faite.
L’Opinion et la Politique
C’est ce que montre une récente enquête en Angleterre auprès des jeunes que l’on accuse d’indifférence. La plupart des réponses se résument en ceci. Nous ne nous désintéressons pas de la politique parce que nous n’adhérons à aucun parti. Nous cherchons à penser par nous-mêmes et nous constatons que Conservateurs et Travaillistes réagissent en fonction de leurs préjugés et que la réalité est tout autre.
Cette constatation est intéressante à plus d’un titre. Elle nous ramène à nos précédentes réflexions : le monde actuel évolue de plus en plus dans des directives diamétralement opposées. D’un côté en Occident, le citoyen cherche à former sa propre opinion en dehors de tout conformisme, d’où une diversité de plus en plus marquée des attitudes personnelles sur lesquelles la propagande a de moins en moins de prise. De l’autre, au contraire, le lavage des cerveaux est de règle et la contrainte physique interdit à l’individu toute réaction propre. Il pense et agit par ordre. Cela sans doute n’est pas nouveau, mais l’abîme entre deux humanités se creuse chaque jour davantage. Dans un monde aux communications si rapides et faciles où les contacts se multiplient, il n’est rien de plus tragique.
Divergence des Idées et des Mœurs
Ce ne sont pas seulement les idées, mais aussi les mœurs qui divergent. Les derniers incidents entre l’Est et l’Ouest le montrent. La lettre de Krouchtchev à Eisenhower était rédigée en des termes d’une telle insolence, que le Président pour la première fois dans les annales diplomatiques modernes en a fait retour à l’envoyeur. Les propos du même Krouchtchev sur le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer révèlent la même goujaterie. Dans l’ordre moral encore, on voit en Chine, après l’U.R.S.S., la délation élevée à la hauteur d’une institution et considérée comme un devoir, alors qu’elle est pour nous la dernière abjection.
Comment réagissent au fond d’eux-mêmes les hommes ?
Le Rire et le Silence
Ce qui frappe tous les observateurs non prévenus, quand ils franchissent le rideau de fer ou de bambou, c’est la tristesse et le silence qui y règnent. Passé la limite, on n’entend plus rire, et cela particulièrement en Chine. Ce peuple insouciant et gai n’est plus qu’un troupeau muet et apeuré. Aucune race cependant n’était mieux portée à former des capitalistes. Aussi avide qu’honnête et poli, le commerçant chinois est le plus habile du monde. Il a fait partout sa fortune ; et individualiste par surcroit. A aucun peuple dans l’histoire, on n’a fait subir une pareille violence. Les Occidentaux au contraire, suivent librement leurs penchants naturels qui sont loin d’être tous bons et louables mais qui les rendent satisfaits, même quand ils prétendent le contraire. Et d’ailleurs, l’émigration est à sens unique. Personne de ce côté-ci, pas même et surtout pas les fidèles, ne demandent à vivre de l’autre. On va aux Amériques, même si souvent qu’on s’y ennuie, pour y jouir d’un meilleur sort. Cette violence faite à la nature humaine, pourra-t-elle durer indéfiniment ? L’instinct de ces peuples opprimés ne les forcera-t-il pas à se débarrasser de leurs maîtres ? A moins qu’il n’y ait pas de nature humaine, comme le veulent les biologistes officiels du marxisme léninisme, et que l’homme ne soit qu’un animal dressable comme le chien et ses compagnons de cirque. L’avenir nous répondra-t-il ?
Nous nous excusons de ces réflexions en marge de la politique internationale. Elles nous paraissent toucher un problème fondamental dont dépend l’avenir de l’humanité et il nous semble qu’il n’a jamais été aussi évident qu’aujourd’hui.
Le Pool de l’Étain
Revenons aux faits. Beaucoup de choses intéressantes en dehors des grands titres, et d’abord l’effondrement du Pool de l’étain. Les grands producteurs de ce métal avaient établi une entente pour ajuster leurs offres à la demande décroissante due à l’affaiblissement de l’économie américaine et à un moindre emploi de cette matière par l’industrie. A grand peine, le comité maintenait un prix plancher de 730 livres la tonne. Pour l’acculer à la faillite, les Russes ont déversé sur le marché mondial des quantités croissantes d’étain à des prix inférieurs. Les stocks grossissaient et leur financement devint intolérable. Les Gouvernements anglais et hollandais avaient récemment contingenté les ventes russes, mais celles-ci trouvaient preneur ailleurs. Cette chute des cours atteindra surtout la Malaisie et sérieusement aussi l’Indonésie et la Bolivie, dont les communistes avaient essayé à diverses reprises de faire des satellites. Des mines devront fermer et le chômage s’ensuivra. Les Soviets espèrent tirer une revanche par la misère. Ils avaient intérêt à montrer qu’ils avaient intérêt à montrer qu’ils étaient en mesure de faire échec à toute entente internationale visant à maintenir les prix de matières produites par les pays sous-développés qui demandent une stabilisation indispensable au maintien de leur économie. Il sera intéressant de voir comment les grands pays industriels réagiront pour les tirer d’affaire.
Le Sauvetage financier de l’Inde
Dans un domaine voisin, l’Occident vient de se décider à sauver l’Inde d’une faillite inéluctable. Le plan quinquennal hindou trop ambitieux ne pouvait être réalisé que par un crédit de l’extérieur de l’ordre d’un milliard de dollars. La politique neutraliste de Nehru faisait hésiter les Etats-Unis, et les Anglais n’ont pas de moyens suffisants. Pour la première fois, la solidarité internationale jouera : les Américains ajouteront 300 millions aux 300 déjà accordés au début de l’année. Les Anglais un peu plus de cent, l’Allemagne de l’Ouest, le Canada et même le Japon consentiront des crédits, et la Banque internationale qui coordonnera ces prêts fournira 85 millions. Le tout pare au plus pressé en attendant que le Congrès des Etats-Unis vote davantage.
L’enjeu est d’importance, car l’échec du plan hindou aurait renforcé la position des communistes déjà installés dans un Etat de la presqu’ile, le Kerala, au Sud. Au contraire, le progrès d’ailleurs difficile, de ce grand pays de 400 millions d’âmes, grâce à la collaboration du capital international servira d’exemple à ceux de l’Asie du Sud-Est qui oscillent entre les méthodes de Pékin et l’aide de l’Occident. Par ailleurs, les relations de l’Inde avec le Bloc sino-russe se sont relâchées. Les Soviets n’ont pas continué l’aide promise et il semble que la compétition économique entre les deux blocs intéresse moins les Soviets. Sans doute réalisent-ils qu’ils n’ont pas les moyens de poursuivre.
La Conférence de Montréal
Très intéressant aussi, toujours pour l’aide aux sous-développés, la Conférence du Commonwealth qui s’est tenue à Montréal. Les Anglais, malgré leurs difficultés financières se sont engagés à fournir aux membres de la Communauté, pays libres et colonies, des crédits annuels de 200 millions de livres (240 milliards de francs). Un effort nouveau est fait pour resserrer les liens de solidarité économique entre les pays sous-développés et les nations industrielles. Le Fonds Monétaire et la Banque Internationale vont, sur l’initiative d’Eisenhower, doubler leurs moyens de crédit. On espère par …………………………………………………………………………………. (à compléter)
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